D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

12/14/2004

Nairobi, Kenya, Afrique de l'est

Nairobi.

Je suis arrivé il y aquelques minutes seulement, il n'est pas encore 6 heures du matin et toutes les boutiques de l'aérogare d'arrivée sont fermées. Je déambule depuis plus d'une demie-heure dans les couloirs déserts à la recherche d'une banque, d'un agent de change ou d'un guichet automatique. Rien. Je suis encore dans la zone internationale, et je sais que le visa d'entrée au Kenya va ma coûter 50 dollars américains. Oui, mais voilà, comment le payer ? Je n'ai pas de liquide et les douaniers risquent de regarder ma carte bleue d'une air dubitatif. Je viens d'arriver au bout du couloir semi-circulaire de l'aérogare. Toujours rien. Il n'y a pas moyen d'obtenir de l'argent dans cette zone. Incroyable. Comment faire ? Le mieux, dans ces cas-là, est encore d'expliquer la situation et de demander de l'aide aux intéressés. Me voilà parcourant cet interminable couloir courbe en sens inverse. Sortie porte 10. Je suis porte 22. Une porte tous les 50 mètres, ça fait 600 mètres à parcourrir. Ce n'est pas possible, le couloir n'est pas si long. Je refais mes calculs en comptant mes pas. Ce qu'il y a de remarquable dans ces situations, c'est le ridicule dans lequel on se retrouve lorsqu'on est livré à soi-même. Je suis en train d'effectuer des calculs de distance dans un aéroport que je ne connais pas, un sac à dos de 12kg qui me tire en arrière, en attendant de retourner à mon point de départ où les douaniers ne doivent plus attendre personne maintenant. Bref.

Porte 10. Le couloir descend en pente douce. Ce n'est pas plus mal, je commençais à fatiguer. Les guichets d'immigrations sont là. Il y a, outre les deux douaniers derrière leur comptoir, un homme qui vient vers moi avec un large sourire et des papiers plein les bras. Il me montre un petit écritoire jonché de papiers de couleurs et me demande de remplir les formulaires. Je lui explique la situation. son sourrire s'efface. Apparemment, ma situation est inédite pour lui. Incroyable. Oui, derrière le comptoir, en territoire kenyan, il y a 2 banques, un ATM (comprenez un guichet automatique en terminologie anglaise) et deux agents de changes. Mais pour y accéder, il va falloir obtenir le visa d'entrée. Oui, mais pour l'obtenir, il me faut payer 50 dollars que je n'ai pas ! situation ubuesque, résolue par un accroc aux règles d'immigration : je deviens, pour quelques minutes, un immigrant clandestin au Kenya. Le pire, c'est que j'ai laissé mon passeport aux douaniers le temps d'aller chercher de l'argent, sous la surveillance de mon "guide" (qui ne sourit plus du tout) et que je suis donc, outre un clandestin, un sans-papiers ! Heureusement, la situation va vite se décanter et tout rentrera dans l'ordre quelques minutes plus tard. Les sourires reviennent, et le douanier me tend mon passeport, dûment tamponné, avec une formule de bienvenue dans un anglais tellement caché par un accent indéfinissable que je me résout à y répondre uniquement d'un sourire de peur de déclencher un incident supplémentaire.

Me voilà au Kenya. Officiellement, cette fois-ci. Le guide m'a prévenu : il me faut faire attention, dès l'aérogare, aux voleurs et escrocs de tous ordres qui vivent ici. Nairobi n'est-elle pas surnommée "Nairobery" ? Je m'en ouvre à mon guide qui a décidé de m'accompagner bien au-delà de la frontière. Il me regarde d'un air entendu et me montre le hall de sortie. C'est noir de monde. Mais qu'attendent donc ces gens ? Je regarde autour de moi : il n'y a, de ce côté-ci du hall, que nous deux. Et vu que ce n'est pas forcément lui que tout ce monde attend ... Soudain, je ne me sens plus tout-à-fait serein. Poussant mon charriot devant moi comme une lance de joute, je décide de fendre la foule. Dix mètres plus loin, j'en suis déjà à 5 propositions diverses incluant safari, treks et hôtels fantastiques, jamais vus, incroyablement bon marché et tout compris. Ce que j'ai compris, c'est que je n'arriverai à rien sans aide. Heureusement, le guide semble savoir où il va et fend la foule pour se rendre directement à un guichet d'information pour touristes. Escroquerie ou bouée de sauvetage ? J'opte pour la seconde et décide de luyi faire confiance. Un hôtel ? Pas de problème. Pas cher ? Aucun souci. Centre ville ? Mais bien entendu. 45 dollars la nuit. Mince ! c'est quoi chez eux un hôtel coûteux ? Tant pis, ce n'est que pour une nuit, je prends. Un trek autour du Mont Kenya ? Mais bien sûr. Il y a de tout, mais voici une maison sérieuse qui pratique des prix abordables. En effet, le prix annoncé est comparable à ce qu'annonce mon livre, et je suis tellement fatigué par le voyage de nuit et je crains tellement de me faire escroquer que j'accepte cette première proposition. Départ demain, circuit de 5 jours, guide expérimenté, eau et nourriture comprises. On vient même me chercher à l'hôtel. Et pour tout de suite, un taxi va me déposer à l'hôtel. Tout ceci est compris dans la prestation. De mieux en mieux. Je retrouve le moral et un peu d'énergie. Je signe. J'irai donc demain tenter de gravir le second sommet de l'Afrique, à près de 5000 mètres.

Dans le taxi qui me mène à l'hôtel (un taxi propre, récent, climatisé, qui ne fait pas de bruit bizarre et dont la seule caractéristique un peu dérangeante est de rouler à gauche), je pense à ce que je vais tenter de faire. Je me remet juste d'une blessure sérieuse au genou droit, que j'ai pu consolider lors de mes marches dans le sable de Pays Dogon, j'ai passé un peu plus d'un mois dans des plaines avec des températures avoisinant les 40°C et une humidité toute symbôlique, et je prétends grimper plus haut que notre Mont Blanc, en bravant la hauteur, le froid et les pluies de montagnes que mon livre me promet ? Effectivement, c'est bien ce que je suis venu chercher. C'est un défi personnel. Je voudrais savoir ce dont je suis capable dans des circonstances qui ne sont pas du tout celles qui me sont familières. Voilà la tonalité de mon séjour ici. Après un choc culturel, un choc personnel. Mais il y a autre chose. Je vais pouvoir, à mon retour du Mont Kenya et pendant quelques jours, confronter la culture de l'est africain à celle de l'ouest, apprécier les différences, les mentalités, et finalement essayer de voir si Nairobi est bien la "Nairobery" dont on parle. La curiosité, une certaine excitation également, un peu de fatigue enfin, voilà le coktail que compose mon humeur en ce premier matin d'Afrique de l'est.

J'arrive à l'hôtel. L' Ambassador hôtel. Il est bien au centre ville, comme promis. Un centre ville si différent des capitales de l'Ouest que je me crois revenu en Europe : trottoirs dans les rues, buildings tout autour de moi, et de grandes artères qui charrient un flot impressionnant de voitures, bus, camions et deux rous de toutes sortes. Mais ce qui me choque le plus, en descendant de la voiture, c'est le bruit. J'ai l'impression que chaque véhicule possédant un avertisseur l'utilise à tout-va, dans un concert cacophonique et chaotique qui me fige sur place. Pourquoi tout ce bruit ? Je regare autour de moi les piétons traversant ou longeant cette rivière de bruit dans l'indifférence la plus totale. C'est donc habituel. Ici, pour circuler, il faut faire du bruit. Je regarde derrière moi mon hôtel et je formule une prière silencieuse, elle, pour que la chambre soit isolée du bruit et que la nuit l'intensité sonore diminue. Autant l'annoncer tout de suite : je serai très déçu. Ici, le bruit de la rue ne diminue pas d'intensité, il change de registre. Chaque type de véhicule possède son propre timbre d'avertisseur, ce qui fait que l'on sait, après un peu d'observation, si le son provient d'un avertisseur de voiture, de car, de camion, d' mobylette voire même de bicyclette, un peu comme si l'on avait les violons, les cuivres et les percussions. La bicyclette, c'est le triangle. Le minibus, c'est la trompette. Le bus, le soubassophone. La nuit, je l'apprendrai grâce à la situation idéale de ma chambre, au 6° étage et donnant directement sur la gare routière, les bus donnent de la voix au travers d'un concert supplémentaire, gratuit et particulièrement bruyant. Autre aspect intéressant de la ville : comme toutes les capitales européennes qu'elle tente d'imiter, Nairobi est une ville qui ne dort pas. Penché à ma fenêtre ouverte, je regarde le flot ininterrompu de véhicules et de gens qui déambulent le long des artères du centre ville. Les magasins sont ouverts, partout des lumières attirent l'oeil. Quel changement par rapport au calme, certe relatif, mais bien présent des cités de cette autre afrique que je viens de quitter ! Et mon guide qui prétend qu'il n'est pas raisonnable de déambuler dans les rues après la tombée de la nuit. Mais que font tous ces gens ? Je regarde ma montre : 2 heures du matin. Mon taxi vient me chercher dans 5 heures. Il est temps d'essayer de dormir. J'éteint la télévision que j'avais mise en sourdine pour essayer de reprendre contact avec le monde extérieur (en vain, les programmes étant d'une affligeante uniformité : musique ou football) et je m'allonge sur le lit. Je suis fatigué, décalé et les yeux grands ouverts sur un plafond où se reflètent les lumières des voitures qui passent en klaxonnant à qui mieux mieux.
Bienvenue à Nairobi. Il me tarde les pentes désolées et silencieuses de la montagne.