D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

Ma photo
Nom :

Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

12/20/2004

Derniers jours en Afrique

Le soleil est haut dans le ciel. La matinée est déjà bien avancée et je n'arrive toujours pas à me lever. Je suis dans ma chambre d'hôtel, à Nairobi. Il fait 26°C et tout va mieux à cette température. Je suis encore fatigué de ce périple sur le deuxième sommet d'Afrique. Que vais-je faire de ces quelques jours qui me séparent de mon départ ? Visiter la ville, qui ressemble à toutes les villes des pays développés ? Certes, car il faut que j'ailles chercher mes billets d'avion. Mais après ? Déjeuner en ville, dîner en ville, sortir le soir ? Mauvaise idée, le soir, à moins d'avoir recours aux taxis. Il y a aussi ce parc national aux portes de la ville, où l'on peut croiser les grands mammifères d'Afrique ... Mais pas aujourd'hui. Je suis plus fatigué que je ne veux bien l'admettre et je ne suis pas prêt à reprendre le sac-à-dos.

Aujourd'hui nous sommes lundi. Le comptoir Air Mauritius est donc ouvert. Il est situé en plein centre ville. Je vais y aller à pieds, en passant par l'ambassade française, il y a une bibliothèque là-bas. Puis j'irai faire un tour sur internet, que j'ai négligé depuis une semaine. Le soir, j'irai dans cette boîte de jazz que m'ont indiqué les écossais. Bon plan. Je commence dès que j'ai pris mon petit déjeuner.

11 heures. Je sors du restaurant. J'ai vraiment pris tout mon temps. Ca fait du bien une douche, même froide. Il faut dire que tout est relatif et le terme "froide" ne correspond pas à la même chose entre le Kenya et la France. Et puis, après l'eau à 2° du Mont Kenya, n'importe quelle eau paraît chaude. Idem pour le petit déjeuner. J'ai retrouvé mon appétit, mais je n'arrive pas à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Par conre, la perspective de marcher sur terrain plat et par une température d'environ 25° me ravit. C'est donc avec le sourire aux lèvres que je sors du restaurant. Mon plan en poche, me voila parti pour la première destination : l'ambassade de France. Elle se trouve dans un quartier riche de nombreux buildings où sont regroupées de nombreuses délégations diplomatiques. Ce n'est pas très loin, à peine 500m. J'en profite pour compter le nombre de taxis qui me proposent leurs services. Quatorze. Quatorze fois, j'ai entendu la phrase "taxi, Sir ?". Quatorze fois, j'ai répondu par la négative. Au début, poliment, à la fin, par un simple geste d'agacement. Vais-je finir par regretter le calme des montagnes, dès mes premiers pas en ville ? Pour éviter de passer une mauvaise journée, je décide de fermer mon esprit à toutes ces sollicitations. Au bout de quelques minutes, je suis au pieds du bâtiment, en nage. J'avais presque oublié que la chaleur provoque ce genre de désagrément. Mais compte tenu de ce que je viens de vivre, c'est presque avec joie que je sens l'eau ruisseler sous mon T-shirt. Je pénètre dans le grand hall. Il est glacé. Comme d'habitude, les climatisations sont poussées au maximum. Combien d'énergie est-elle dépensée ici chaque jour dans ce grand hall vide ? Je n'ose pas imaginer le gaspillage. Un planton est là, derrière son comptoir. Je m'adresse à lui en Français. Il me regarde d'un air ahuri. Ca commence bien. Je recommence, en anglais cette fois. Ce coup-ci, son visage s'éclaire et il me répond. Non, ce n'est pas l'ambassade de France ici (je comprends mieux) mais oui, il y a bien une bibliothèque francophone, qui appartient à l'Alliance française. C'est au premier étage. Négligeant les ascenceurs, je monte les quelques marches qui me conduisent à un second hall, plus petit mais aussi glacé que le premier. La bibliothèque est là. Il n'y a personne. J'ouvre la porte, et une femme toute menue vient vers moi, l'air contrarié. Pardon ? Non, je n'ai pas vu le panneau. Fermé pour inventaire ? Pour 3 jours ? Bon, tant pis. De toutes façons, m'indique la femme, cette bibliothèque n'est ouverte qu'aux résidents membres de l'Alliance. Dépité, je redescends les marches et, passant la porte du grand hall du rez-de-chaussée, je me retrouve dans un four. C'est incroyable la puissance de ces climatieurs. Il doit faire 15° dans le bâtiment. L'énergie ne doit pas être chère ici. Heureusement, je n'ai pas eu le temps de me refroidir et le coup de chaud provoqué par la différence de température ne dure que quelques secondes. Me voila de nouveau arpentant les rues en direction du bâtiment abritant Air Mauritius, ma seconde étape. Chemin faisant, je raverse le quartier des délégations, dont les rues sont remplies de voitures de luxe en stationnement pour le moins aléatoire. A côté, une horde de chauffeurs en costume discutent à voix passe. Puis j'arrive dans un quartier commerçant. Partout, des vitrines et des publicités aux étages attirent l'oeil. Comme partout en Afrique, je ne comprends rien à l'organisation des magasins. Les bijoutiers côtoient les épiceries, les marchands de journaux les coiffeurs. Peut-être qu'en y réfléchissant un peu ... Mais je suis déjà dans un autre quartier. Devant moi, la cathédrale, à sa gauche la mairie et derrière, rivalisant de hauteur avec la tour de l'édifice, le minaret où un muezzin appelle une nouvelle fois à la prière. Je décide de fuir pour quelques temps le bruit et l'agitation pour me réfugier dans la cathédrale. Dès l'entrée je sens la fraicheur
et le silence bienfaisants. Par contre, je comprends que le Kenya n'a pas une grande histoire chrétienne : la cathédrale est un grand bâtiment de briques rouges, dont les murs s'ouvrent sur toute leur hauteur pour laisser entrer la lumière. Pas de vitraux, pas de recherche artistique, aucune âme. Les architectes ont "traité" ce bâtiment comme ils l'auraient fait pour une administration. C'est fonctionnel, sans plus. Deuxième déception de la journée. Je ressors dans la lumière et la chaleur de midi. Air Mauritius est à quelques blocs d'ici. En marchant, je change encore de quartier. Ici, la vie est plus dense, les rues plus animées. C'est le quartier des affaires. A ma droite : les compagnies aériennes. A ma gauche : les banques. Devant moi : les restaurants. Je suis dans une rue semi-piétone. Ne vous méprenez pas, ça n'a pas grand-chose à voir avec les notres. Ici, le piéton est roi, tant qu'il n'y a pas de voiture. La portion de la rue où la circulation automobile est autorisée devient une enciero dès qu'arrive un véhicule. Les gens se mettent à courir, le véhicule ne freine pas. Surprenant, au début. On s'y fait, question de survie. Je ne plaisante pas : ici, mieux vaut tuer un piéton que de le blesser, ça coûte moins cher. Le civisme est une notion très accessoire et définitivement inintéressante. Je longe les bâtiments pour arriver devant l'enseigne "Air Mauritius". Pour entrer dans la tour, il faut passer un barrage de gardiens. Vérification d'identité, fouille, but de la visite : ici, on ne plaisante pas avec la sécurité. Etrange, je n'ai jusqu'ici pas eu l'impression d'une ville criminelle. Peut-être qu'au fil des heures et des jours ... Frisonnant à l'entrée du hall, où les climatiseurs maintiennent une température polaire, je monte au premier étage où se trouvent les bureaux. Fermé. Je redescends et me renseigne auprès du gardien. Dans un anglais très approximatif (mais quelle langue parlent-ils donc ici ?), il m'explique que le personnel est parti déjeuner. Evidemment. J'ai complètement perdu le sens des réalités adminisratives et du travail, et la pause déjeuner ne m'est plus familière. J'ai donc deux heures à attendre. Dans ma liste des choses à faire, vient l'envoi de cartes postales. Très bien. En deux heures, j'ai largement le temps. Je reviens sur mes pas, où j'ai croisé tout-à-l'heure une petite librairie. Après avoir choisi quelques cartes, je me dirige vers la poste locale. Elle se situe de l'autre côté d'une autoroute citadine. Je passe sur un pont et découvre la cour des miracles. Ce pont est le seul moyen de passer d'un côté à l'autre du quartier des affaires, et il semble être le rendez-vous de tout ce que Nairobi compte d'infirmes et de mendiants. Au concert des avertisseurs des voitures prises dans le trafic sous mes pieds se superpose un autre concert, celui des voix suppliantes longtemps travaillées des mendiants professionnels. L'oeil larmoyant, la main frêle tendue désespérépent, le gamin jouant avec les haillons de sa mère, jusqu'au chien couvert de puces qui lance un regard suppliant. Mieux que dans Notre-Dame de Paris. Et au millieu de tout ça, fendant cette faune dans une superbe ignorance, les cohortes des personnels en costumes ou tailleurs vont et viennent, pressés d'arriver à destination. J'ai l'impression d'assister à une représentation théâtrale. Richesse et Pauvreté. A mesure que j'avance sur le pont, je me surprends à penser à la réalité de tout ceci. Ces gens sont les descendants des guerriers Massaïs ! Ceux-là même que j'ai vu, longeant l'autoroute, lance à la main, lors de mon arrivée au Kenya. Etrange, comme l'occident exporte plus facilement ses tares que ses bienfaits. Je suis dans une Afrique moderne, où l'eau chaude n'est pas encore répandue, mais où la pauvreté et la mendicité sont déjà banalisés.

J'arrive à la poste. C'est un bâtiment immense, et il me faut plusieurs demandes pour enfin trouver l'entrée du service que je recherche. A l'intérieur, des arbres de Noël entièrement décorés me prouvent que les fêtes ne sont pas loin. Guirlandes, boules miroitantes, faux cadeaux sous les arbres, il ne manque rien. Ah, si ! Le Père Noël. Pourtant, la température à l'intérieur de l'édifice devrait lui convenir ... Je m'assoie à un bureau et commence à rédiger mes cartes. Une musique d'ambiance coubre les quelques conversations étouffées des usagers, et ce silence relatif me fait du bien. Je suis à quelques jours de Noël, dans un pays d'Afrique de l'est, 30°C à l'ombre, loin de tout le monde. Ces cartes sont mon seul lien avec ce qui était ma vie il y a moins de deux mois. Il y a une éternité. L'Afrique est bien mystérieuse, où l'unité de temps est la journée et l'espérance de vie si courte. Chaque journée est vécue lentement et intensément. Ces deux adjectifs ne peuvent s'appliquer ensemble à nos civilisations. C'est une sensation très étrange de se dire, le soir venu, que l'on a pas fait grand-chose mais que c'était le maximum que l'on pouvait faire.

Je poste mes cartes. Dans un quart d'heure, je dois récupérer mon billet d'avion. Le trajet retour sur le "Pont des Miracles" me confirme ce que je pensais : il y a ici plus d'opportunistes que de brais nécessiteux. Témoin cette femme que j'ai vu pleurer il y a une heure et qui à présent me bouscule presque avec la petite motocyclette flambant neuve. Décidément, l'occident n'a pas exporté le meilleur de lui-même. Mis à part ce pont, déambuler dans le coeur de Nairobi n'est pas différent de mes expériences similaires dans des villes comme Paris ou Bruxelles, si ce n'est la sécheresse et la chaleur. Des hommes et des femmes affairées dont le regard se perd dans le vague me croisent sans même me remarquer. Un agent de police me regarde, dans une totale indifférence, traverser la rue en évitant les voitures qui foncent sur moi. Un bus de ville lance un coup d'avertisseur avant de frôler un groupe d'enfants au bord du troittoir. Un illuminé en haillons harrangue une foule de costume-trois-pièces qui ne lui adressent pas même un regard ...

Abandonnant les rues, je m'egouffre dans la grotte glaciale qu'est le hall de la compagnie. Tout le monde est là, sourire au lèvres et café à la main. En un quart d'heure, j'ai mon billet, deux tasses de thé, les photos du petit dernier qui fait ses dents et une critique appuyée du système, responsable du fait que je doive repayer mes billets perdus mais que voulez-vous, on n'y peut rien. C'est ma deuxième visite ici en une semaine, et j'ai l'impression d'être devenu un ami. Impressionnant. Si ces gens sont sincères, alors je dois à ce pays de reconnaître la chaleur de leur accueil. Si ce n'est pas le cas, ils ont un sens théâtral très développé. Quoi qu'il en soit, je ressors du bureau satisfait et mentalement revigoré. Je n'ai plus l'impression d'être seul. La journée semble plus belle. J'ai même faim. Il est trois heures de l'après-midi et je m'engouffre dans le premier restaurant venu. On y fait au choix du poulet, du poulet ou même du poulet. Je ressors aussitôt, sous l'oeil médusé de la serveuse qui n'a pas eu le temps d'articuler la première syllabe de son discours de bienvenue. Dans le restaurant suivant, les gens mangent des hamburgers. Je passe. Finalement, j'arrive à langle de la rue. Là, plusieurs petits restaurants vendent des plats à emporter. Principalement du poulet, mais également du poisson et même des pizzas. A l'étage, un espace rempli de tables et de chaises sert de salle de restaurant. On commande en bas et on monte manger. Simple. Je commande donc une pizza. Les noms ne me sont pas familier, et la serveuse ne parle pas anglais. Par signes, je finis par me faire comprendre. Cette pizza, taille moyenne, avec de l'eau plate. Incapable de déterminer le contenu de la dite pizza, j'ai choisi au hasard. Je monte et m'installe au fond de la salle. Lorsque j'ouvre le carton de ma pizza (les pizzas poussent dans des cartons dans tous les coins du globe, apparemment), une délicieuse odeur vient régaler mon odorat. Du poulet. Tant pis. Ce soir, c'est décidé, je mangerai chinois ou mexicain. Les spécialités kenyanes sont délicieuses, paraît-il. Le seul problème, c'est que l'on ne les trouve que dans des restaurants pour touristes, où les prix pratiqués sont dix fois supérieurs à ce que l'on trouve ailleurs. La nourriture kenyane attendra une autre fois. Pendant que je mange, mes yeux se promènent le lng des enseignes de la rue, en face de moi. Restaurant, restaurant, restaurant. Ah ! Internet café. Justement, j'en cherchais un. Mon repas fini, je monte au quatrième étage de l'immeuble où se trouve la salle. Sur le palier, en face, des cabines téléphoniques spécialisées dans les appels internationnaux. De mieux en mieux. Je vais pouvoir passer une bonne partie de l'après-midi ici.

Ce n'est que le soir venu que je suis sorti de l'immeuble. J'ai à peine commencé à rattraper mon retard sur le récit du voyage. Mais promis, je reviendrai demain. Ce soir, j'ai rendez-vous avec les écossais dans le club de jazz. Je remonte la rue. Le club est à mi-chemin entre la boutique internet et mon hôtel. Tout est proche, finalement, lorsque l'on reste en centre ville. Lorsque j'arrive, une hôtesse vient me proposer une place sur le balcon, au premier étage. Puis elle prends ma commande. Très serviable. Un peu trop, même. Un grand sourire, court vêtue ... Mais non, je divague, cet établissement semble très soigné. Pas de petite queue de lapin aux fesses des serveuses. Juste un peu provoquant, c'est tout. Quelques minutes plus tard, un serveur (pour changer) passe avec un plateau garni d'amuse-gueules. J'en commande quelques uns. Je n'ai pas très faim et j'attends toujours. Finalement, mes compagnions de marche me rejoignent. Ils ont passé la journée à dormir et se réveillent juste. Ils ont mangé et ont soif. Me voila pris entre deux écossais assoiffés dans un pub de jazz où d'accortes jeunes filles servent de grandes bouteilles de bière. La soirée sera courte. Déjà je ressens la fatigue. Pour tenir un peu plus, je mange quelques amuse-gueules supplémentaires. Mon anglais devient plus laborieux. Je paie une tournée sur trois et j'en suis déjà à ma seconde. J'ai bu deux litres de bière. Il est minuit et demie. J'ai sommeil. Les écossais proposent de me raccompagner, mais ils sont au moins aussi atteints que moi et vont continuer à faire la fête toute la nuit, car leur avion repart vers 5 heures du matin. C'est trop pour moi. Je sors du pub. La musique et l'alcool me tournent la tête. Ca fait un moment que je ne me suis pas senti comme ça. Heureusement, je trouve assez vite la station de taxi et la course est rapide, ce qui fait que je me trouve allongé sur le lit juste le temps de deux ou trois pensées cohérentes.

Demain, je sais ce que je vais faire : la journée à écrire, le soir au pub de jazz. Il est bien, ce pub.