D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

12/05/2004

En route vers le parc national de Mole

Me voici donc reparti. Ce dimanche matin, les rues sont beaucoup plus calmes qu’hier. Il faut dire que le marché est fermé, ce qui fait que l’animation des rues n’est plus assurée que par quelques rares marchands installés sur les trottoirs, les femmes, regroupées autour d’une citerne, qui discutent bruyamment en remplissant leurs bassines de l’eau de la journée, et les taxis qui sillonnent les rues à la recherche du rare blanc qu’ils pourront plumer. Ma sortie de l’hôtel, chargé de bagages, provoque d’ailleurs un mini embouteillage. C’est amusant, à la longue. Je ne m’énerve plus. Je ne cherche même plus à me justifier. Je finis par ignorer cette agitation. Il y a un mois, je me serais fait horreur. C’est toujours un peu le cas, mais c’est une question de santé mentale, et de temps. Si je passais mon temps à répondre à toutes les sollicitations, je ne ferais plus rien.

Je marche donc en direction de la gare routière, située à 500 mètres de mon hôtel. Normalement, un bus de la compagnie OSA doit partir ce matin vers 8 heures. Il est 7 heures 30, j’ai tout mon temps. Arrivé à la station, je me renseigne. Pas de bus aujourd’hui, comme hier. Les élections, vous savez. J’aurais dû m’en douter. Comment faire ? Il faut aller à la station des taxis brousse, à la sortie de la ville, pour prendre un tro-tro (un minibus). C’est loin, il faut prendre un taxi. Et ça commence. Négocier pour le taxi (10000 Cedis (1€) ? C’est 6 fois le prix !), se fâcher pour les bagages (5000 Cedis par bagage ? vous me prenez pour un gogo ?), etc. La routine. J’arrive à la station. On me montre l’endroit. Ce qu’il y a de compliqué, dans la sous-région, c’est l’absence quasi-totale de panneautage. Il faut savoir où se trouvent les choses, sinon on demande et on paie. C’est comme ça.

La station est assez peuplée mais il n’y a pas d’agitation. Tout le monde est calme, jusqu’au moment où j’arrive. Je suis, fort heureusement, le dernier passager du tro-tro qui va pouvoir enfin partir. Je paie mon billet (7000 cedis pour 350km, ne cherchez aucune logique entre ces prix et le racket opéré par les taxis). Au loin, un minibus Mercedes essaie de démarrer, sans succès. C’est ce tro-tro qui doit nous emmener ? Oui, mais il est en panne. Ne pouvait-on pas le vérifier avant ? Pourquoi faire ? C’est vrai, j’oubliais.

Prévoir est un verbe dénué de sens, ici. C’est comme cette impossibilité à faire le plein d’essence du véhicule avant le départ, par simple manque d’argent. Les sommes versées pour le voyage servent au voyage, le reste sert à nourrir le chauffeur. Et lorsqu’il faut faire une réparation coûteuse, le chauffeur perd de l’argent. C’est ainsi que l’on voit circuler de véritables cercueils roulants, au volant desquels de vaillants chauffeurs-mécaniciens font des miracles pour abîmer encore un peu le moteur, seule partie à peu près viable du véhicule. Ils croient, pour la plupart, que plus le moteur est à bas régime, moins il consomme et plus ils économisent d’argent. C’est ainsi que, lors des montées, le véhicule surchargé hoquette et agonise en attendant que l’on veuille bien passer le rapport inférieur. Et, par conséquent, il chauffe. Et comme le radiateur est percé et que le ventilateur, pièce non essentielle à son fonctionnement, est cassé et démonté depuis fort longtemps, il faut s’arrêter régulièrement pour remettre de l’eau. Et c’est ainsi que se développent, le long des routes, des « stations d’eau », en fait des enfants dont la vie consiste à réunir des bidons d’eau qu’ils vendent aux chauffeurs. Une économie basée sur l’ignorance. Tellement incroyable et pourtant, tellement réel.

Notre véhicule partira finalement 2 heures plus tard. Entre-temps, un bus est en train de se remplir. Mais pas question de changer : ici, les billets ne sont ni repris, ni échangés. 3km après son départ, il s’arrête pour faire le plein. Juste assez d’essence pour faire les 350km. Sinon, ce serait du gaspillage. C’est un fait dans tous les pays traversés : les réservoirs sont tous vides. On ne met que l’essence dont on a besoin immédiatement. On préfère passer par la station 2 fois par jour que de faire le plein une fois de temps en temps. Question de logique : ici, le temps n’est pas de l’argent, c’est juste du temps. Par contre, une voiture avec un plein d’essence est aussitôt considérée comme objet de convoitise.

On m’avait dit que les routes ghanéennes étaient bonnes. Certes, la route principale (asphaltée) qui traverse le pays du nord au sud ne mérite aucune mauvaise critique. Par contre, aussitôt que nous sommes sur la piste, on sent bien le passage de la saison des pluies. La saison sèche est trop récente pour que les inévitables travaux de réaménagement aient été effectués. Ce seront donc 200km de trous et de tôle ondulée, comme je commence à en avoir l’habitude. De plus, à chaque fois qu’un 4x4 ou un camion, lancé à plus de 100km/h, nous dépasse, la poussière rouge empêche toute visibilité pendant quelques secondes et pénètre l’habitacle pour maculer sièges, bagages et passagers. Nous ressemblons rapidement à une bande crottée de peaux-rouges plus ou moins foncés. Comme je finis par en avoir l’habitude, je trouve ça plutôt amusant et passe mon temps à constater l’évolution de couleur de peau. Je n’échappe pas à la règle, mis à part que, sur ma peau blanche (je n’arriverai pas à bronzer en Afrique), l’évolution est encore plus notable. Le trajet se passe ainsi, entre cahots et vagues de poussières.

14 heures. Il aura fallu 4 heures pour parcourir 300km. Le tro-tro ne va pas jusqu’au par cet s’arrête à Damongo, allez savoir pourquoi. Ce n’est pas un carrefour, ce n’est même pas une ville importante. C’est juste un village à peine plus grand que les autres. Pour continuer, il faut attendre un hypothétique bus OSA (qui, je le sais, ne viendra pas), ou bien prendre un taxi privé à 100000 Cedis (!!!). Heureusement, il existe toujours une solution : la patience, accompagnée d’un peu de relationnel. A force de demander autour de moi, je finis par trouver le fils de l’un des employés du parc. Il me dit que, tous les jours, deux véhicules du parc passent par ici et « ramassent » parfois des voyageurs lors de leur retour vers le parc. En attendant et en se plaçant au bon endroit, je pourrai faire le voyage gratuitement. Va donc pour l’attente. Pour tuer le temps, je regarde les gens passer, je discute avec une femme qui passe sa vie à faire à manger au bord de la route. Du bois, quelques ustensiles, une grande marmite, voila toute sa fortune. Elle est veuve. Ca fait 10 ans qu’elle fait ça. Elle n’imagine pas faire autre chose. Elle a une petite fille, qu’elle a recueilli de sa sœur, morte en couches. Ainsi va la vie : a chaque personne un drame. Le long de la route, des 4x4 flambants neufs passent et font voler vers les habitants une poussière qu’ils n’avaleront jamais. Inlassablement, à chaque passage, la femme (dont je n’ai jamais pu comprendre le nom) essuie ses affaires tandis qu’elle ravive le feu dans l’âtre. Au loin, une troupe s’avance en dansant. C’est un spectacle de danse et théâtre prévu pour ce dimanche. Il attire beaucoup de monde. Je n’ose quitter mon poste de peur de rater le pick-up du parc. Partout autour, des militaires, venus ici pour « sécuriser » le périmètre du bureau de vote qui s’installe. C’est qu’ici, les élections se préparent sérieusement. Ce n’est pas l’agitation fébrile de Tamale, mais plutôt une ambiance festive et insouciante. Des militants, habillés aux couleurs de leur favori, parfois même grimés pour leur ressembler, parcourent la rue en ralliant le plus d’enfants possibles à l’aide de bonbons et autres sucreries à boire. Le temps passe.

Il faudra finalement plus de trois heures pour voir apparaître les véhicules du parc. Tout se passe alors très vite : la voiture s’arrête, l’adolescent qui m’a indiqué l’astuce va voir le chauffeur et discute avec lui. 30 secondes plus tard, je suis dans la voiture qui redémarre vers le parc, avec 4 autres « passagers clandestins ». Le chauffeur connaît son affaire, et la piste est avalée en un temps record. Nous arrivons à l’entrée du parc. Le gardien, nullement surpris de nous trouver dans un véhicule officiel, nous présente le livre d’admissions. Il faut donner son nom, son prénom, son numéro de passeport, la date d’arrivée et la date probable de départ. Accessoirement, il faut régler 45000 Cedis (4,5€). Par pure curiosité, je jette un coup d’œil sur les arrivées d’aujourd’hui. Deux anglais, une famille allemande et un français : un certain Etienne Zim. Un compatriote. Je vais pouvoir reparler français.