D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

12/03/2004

Derniers jours au Burkina Faso

Cette fois-ci, ça y est. C'est la dernière soirée à Ouaga. Demain, je pars pour le Ghana, destination Accra où m'attend mon avion pour Nairobi au Kenya. L'Afrique de l'Est va remplacer l'Afrique de l'Ouest. La comparaison risque d'être intéressante. Je suis donc tout naturellement partagé entre l'impatience de poursuivre ma route et le regret de quitter toutes ces personnes qui ont croisé, peu ou prou, ma route tout au long de ces (déjà !) cinq semaines.

Cette semaine fut placée sous le signe des réjouissances. Mardi dernier, j'ai été convié à l'anniversaire de M. le ministre Bassolé. Nous sommes devenus amis, au sens africain du terme : je suis considéré comma faisant partie de la famille et je sais qu'il ne passera plus en France sans au moins m'appeler. Lorsque j'arrive à la table réservée dans cette mignone trattoria italienne, en plein coaur de Ouaga, je ne suis pas le premier. Une personne est déjà là, affairée entre deux téléphones portables. Il s'agit d'un membre de la famille (les familles africaines sont immenses) vivant à Vienne, en Autriche. Nous parlons et, forcément, nous sympatisons. Au moment où le reste de la famille arrive, nous sommes devenus amis. C'est aussi simple que ça, ici.

Notre conversation, lors de la soirée, tourna autour des gens que j'ai rencontrés tout au long de mon séjour, de la différence de mentalité entre maliens et burkinabés, des immenses différences entre européens et africains (de l'Ouest). Nous parlons de l'humanité des africains, de son apparente incompatibilité avec le comfort et le niveau de vie européen, des valeurs africaines encore présentes ici, de leur lente disparition et de la dérive vers un abandon de toute fierté, symbolisé par cette montée en puissance de la mendicité, et surtout de la mendicité des enfants. Ici, c'est un véritable fléau. Des adultes sans avenir, sans espoir, sans courage, ayant abandonné toute les valeur africaines, se retrouvent dans la rue à demander, parfois de façon horriblement dégradante, de quoi manger et boire. Et les enfants, habiles copieurs de leurs aînés, sans savoir ce qu'ils font à leur pays, imitent leurs aînés dans l'espoir d'un gain facile. Ils se jettent à vos pieds, pleurent, s'accrochent à votre jambe et vous suivent pendant de longs moments, traversant avec vous si besoin la moitié de la ville. Ce spectacle dégradant est dénoncé à tous niveaux. Mais comment sensibiliser une population qui perd peu à peu ses valeurs ?

J'ai trouvé ici, au Burkina Faso, peu de ces mendiants, mais ils commencent à envahir les rues de la capitale. Je ne peux imaginer que ce "Pays des hommes intègres" perde ses valeurs. Ce havre d'humanité, perdu dans un monde de poussière et de chaleur sèche, mérite bien mieux que ça.

C'est sur ces considérations que nous nous quittons. Je reverrai ma famille africaine, les Bassolés, la veille de mon départ prévu pour samedi.

Ce vendredi, je passe ma journée à dire adieu à mes amis. Ca commence le matin, avec Lazare Ouedraogo, qui a si gentiment mis à ma disposition le local de l'association qu'il dirige à Ouaga. J'ai un problème : un colis de 12kg contenant un peu d'art africain, achats et cadeaux mélangés, et dont l'acheminement promet d'être hors de prix. Que faire ? Tant pis. Je laisse le tout ici, en attendant de trouver une solution. Il se peut que ce paquet reste un an sur place. Mais peu importe : ici, le temps ne signifie pas grand-chose. Un jour, un mois, un an, quelle importance ? Seule la relation compte. Et dans ce domaine, il suffit de quelques minutes.

Les Ouedraogos, les Bassolés, les Bado, Mme Bama, Simon, Bouba, Badou, Assita, Irène, Hawa, Jean-Pierre, Julie la petite canadienne, Tanguet, Hien, le commandant Paré ... J'en oublie beaucoup, qu'ils me pardonnent. Tout ce monde a croisé mon chemin et modifié à jamais ma perception du monde qui m'entoure et dans lequel je vis.

Je continue ma tournée d'adieu. L'après-midi, je profite de quelques heures de tranquilité pour préparer mes bagages. Puis je me rends en début de soirée chez M. le ministre dire adieu à la famille. Dîner, accolades, promesses diverses ... Ici, le terme "Adieu" ne s'emploie pas. "A bientôt" est beaucoup plus usité. On ne peut en effet concevoir de ne plus revoir un membre de la famille. Nous nous promettons donc mutuellement de nous retrouver un jour. Ici ou ailleurs, peu importe. Mais il faut que je parte, sinon je ne pourrai voir tout le monde.

Il me reste la soirée. Sur Nkwame Krouma, l'avenue "chaude" de Ouaga, je donne rendez-vous à mes amis dans un "maquis", un snack-bar-club accroché au bord de l'avenue et dont l'espace vital se situe entièrement sur le trottoir. La soirée doit débuter vers 19h30. Elle débuttera finalement une heure et demie plus tard. Normal. C'est le temps africain. Il y a longtemps maintenant que je m'y suis habitué. Irène se perd et arrive vers 21h30, assez ennervée. Elle est de Pô et doit m'accompagner demain pour qu'avec son oncle elle me montre son pays et la culture Gourounsi. Mais elle vient d'apprendre qu'elle a des examens la semaine provhaine et ne descendra donc pas avec moi. Tant pis pour le pays Gourounsi. Ce sera pour une autre fois. Là non plus, je ne me fais aucun souci. Je sais que je pars pour le Ghana, je ne sais pas si ce que j'ai prévu de faire pourra se réalise. Jusqu'ici, mon voyage ressemble plus à celui d'une plume balayée par le vent qu'à celui d'un tour opérator prévu à la minute près.

Elle est très gênée pour moi. Elle m'avait promis ! Je la rassure et je rigole : si j'avais voulu faire un voyage organisé, je ne serais pas parti sac au dos. Je fais donc un voyage à l'africaine : désorganisé. Et, en auriez-vous douté, ça me convient parfaitement. Simon devait venir me chercher demain matin pour m'accompagner de l'autre côté de Ouaga. Finalement, il ne pourra pas et c'est Marc qui sera de corvée. Tout s'arrange finalement. Marc, qui était venu en vain me chercher à l'aéroport, alors que j'étais accueilli en VIP par Bouba ; Marc, qui était venu me chercher en vain à mon retour du Mali, alors que, s'étant absenté pendant 10 minutes, j'arrivai et trouvai une solution pour regagner ma chambre ; Marc, donc, cette fois-ci, sera la dernière personne que je verrai ici.

La soirée se termine assez tôt, vers 22h30. Nous passons, avec Irène, voir Simon à son travail (il est gardien de nuit pour une grande banque) pour lui dire au revoir. Puis elle me raccompagne chez moi avec sa moto. Bien pratique, pour éviter de traverser la moitié de la ville à pieds ou prendre un taxi délabré. Et surtout plus rapide. Bouba m'aurait bien raccompagné, mais sa mobylette ne possède qu'un seul siège. Marc est parti depuis longtemps, pour être frais et dispo demain matin (je dois être à 6h30 à la gare routière). Tous se sont proposés pour me raccompagner, m'accompagner, m'aider ... Voilà en quelques minutes résumées l'hospitalité et la gentillesse de ces gens qui sont devenus mes amis, quelle que soit la durée et la distance qui nous sépareront désormais.

Je devais dormir environ cinq heures. Mais toutes ces images, toutes ces voix, tous ces événements tournent dans ma tête. Tant pis. Je dormirai dans le bus, demain. Adieu Burkina Faso ! Une page de mon voyage viens de se tourner.