D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

11/22/2004

Bamako

Comment décrire une ville telle que Bamako, lorsque l’on n’est pas en état d’en apprécier les valeurs ? Difficile exercice auquel j’essaie de me livrer. Je dois avouer, pour être franc, que mes trois jours à Bamako ont été, pour la majeure partie, passés avec Badou, un ami rencontré en France quelques années plus tôt. Honnêtement, ce garçon a plutôt bien réussi. Propriétaire d’une immense maison aux murs blancs et au jardin séparé entre un miraculeux jardin de gazon chinois et une piscine de grande taille, d’une seconde maison dont il termine l’aménagement, et d’un certain nombre d’affaires, dont un superbe maquis assez huppé qui draine une clientèle qui lui permet d’entretenir un réseau de connaissances assez développé. En tout point, quelqu’un d’utile et de précieux. Avec sa femme, Oumou, ils m’ont aidé à oublier la galère de ma venue et je dois dire qu’ils n’ont pas ménagé leurs efforts. Le résultat est que, si je n’ai pas grand-chose à dire de Bamako en elle-même, je pourrais être long en ce qui concerne les personnes que j’ai rencontrées.

Bamako restera pour moi une ville encombrée, polluée et très affairée. Le contraste avec Ouaga, sa sœur burkinabé, est saisissant. Moins de vélos, beaucoup plus d’automobiles et d’embouteillages. A ce sujet, je garderai un souvenir vivace de ces 3 heures passées à tenter de franchir l’unique pont (à une voie) sur le Niger, l’autre ayant été fermé pour travaux un samedi après-midi aux heures d’affluences … Belle leçon de désorganisation, qui me fit regretter les minuscules soucis (en comparaison) du pont d’Aquitaine. Parcourir 500 mètres en une heure et demie, au milieu des véhicules dont pas un ne pourrait satisfaire aux normes anti-pollution françaises, le tout par une température de 35° interdisant de fermer les fenêtres sous peine d’asphyxie, est une expérience que je ne souhaite à personne de vivre. Bizarrement, je notai alors l’absence totale de moustiques … et m’inquiétai sur mon propre sort. La première goulée d’air à peu près frais et peu pollué m’a donné l’impression de sortir la tête d’un sac plastique.

Une ville affairée, une ville de voitures, avec des routes goudronnées remplies de véhicules hors d’âge essayant de se frayer un passage à tout prix, dans le plus grand désordre et sous l’œil fataliste des policiers chargés de la circulation, et des routes secondaires, non goudronnées, où les piétons se fraient un passage au milieu des vélos et mobylettes, des charrettes à bras et des camions, des poules et des immondices, toutes faune et flore cohabitant contre toute logique. Les choses s’arrangent un peu une fois sorti du centre ville. Cette mégapole comporte un centre historique aux rues beaucoup trop étroites pour accueillir l’activité qui y règne : un marché, une mosquée, des banques, des administrations … tout cela est concentré en quelques quartiers que bordent de grands axes. Heureusement, et à l’image de Ouaga, Bamako est en train de se doter d’un nouveau quartier moderne, aux rues droites et larges, qui accueille déjà certaines administrations, ambassades, grands hôtels, etc. L’avenue principale s’appelle Avenue des Champs-Elysées … Tout un programme. Mais pour ressembler à sa grande sœur parisienne, il lui faudra encore beaucoup de temps. Et c’est en pensant à ce que pouvait être cette dernière à ses débuts que je descend sa petite sœur malienne. La comparaison dans ma tête ne manque pas de piquant et je me prends à sourire. Finalement, quels points communs leur trouver ? Toutes deux sont longues et droites, c’est à peu près tout. Voila en fait une leçon de vie illustrée par une simple route. Bamako est une ville ambitieuse et voudrait montrer au reste du Monde l’image d’un pays moderne. Tout comme est ambitieux le programme de nouvelle ville qu’est Ouaga 2000. Mais toutes deux font alors l’impasse sur leur passé et je crains que l’une et l’autre ne provoquent, par déplacement de leur centre névralgique, la mort lente de leur partie historique respective.

On sent ici l’influence de la civilisation européenne et de ses chimères. Certes, ces villes sont étendues, peu élevées (les Africains n’aiment pas vivre les uns sur les autres), mal desservies, insalubres et polluées. Certes la désorganisation qui y règne est de nature à effrayer n’importe quel urbaniste européen. Mais ces villes ont une âme, une histoire que l’on peut lire en parcourant leurs rues, jusqu’aux passants que l’on croirait intégrés au décors. Il s’agit d’une scène où tout est improvisé. Ces nouveaux quartiers ne vont-ils pas corrompre cette âme, la dénaturer pour finalement engendrer un monstre, mi-chaotique à l’africaine, mi-réglementée à l’européenne, avec toute la désorganisation et la paupérisation d’identité que cela implique ? C’est ce que je crois, à regarder Bamako et ses contrastes.

Sur les trois jours passés ici, je ne voudrais cependant retenir que les bons côtés de la vie : une baignade dans la piscine de Badou, des soirées arrosées dans son maquis ou chez des amis, ou tout simplement le calme privilégié de cette immense maison où j’ai pu dormir, pour la première fois depuis mon arrivée en Afrique, dans un grand lit avec climatisation et moustiquaire, les délicieux repas préparés par Oumou, la femme de Badou, assistée des filles de la maisonnée, les balades dans une BMW noire aux vitres fumées et qui force le respect de tous, y compris des forces de l’ordre … L’assurance à toute épreuve de mon hôte qui aplanit les petites difficultés qui se dressent sur ma route. L’accueil chaleureux de l’ambassadeur du Burkina Faso à Bamako qui m’a permis, un samedi après-midi, alors que tout est fermé, d’obtenir la régularisation de mon visa (qu’il en soit ici vivement remercié, ainsi que le responsable de la police des douanes sans qui rien n’aurait pu se faire). Ce sont là des personnes de pouvoir et d’influence, bien sûr, mais ils ont heureusement oublié la distance qui les séparent du petit voyageur un peu perdu que je suis et leur accueil n’a eu d’égal que leur efficacité.

Tout le reste, je l’oublierai. Lundi, je pars pour un voyage de nuit qui me jettera tout près de Djenné, ville historique à l’extrémité sud de la route des touaregs et à l’origine de la splendeur et de la renommée d’une certaine et lointaine Tombouctou …