D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

12/05/2004

Tamale, Mamadou le burkinabé

Je suis à Tamale, au nord du Ghana. Je suis arrivé hier. Aujourd’hui, dimanche, je vais essayer de rallier le Mole National Park, à quelques 350 km à l’ouest. Il va me falloir la journée pour y arriver.

Hier soir, j’ai fait une drôle de rencontre. Un burkinabé, qui occupe la chambre voisine de la mienne. Il m’a raconté son histoire. Elle est tellement incroyable, sortie du contexte de l’Afrique, que je me suis décidé à la raconter pour illustrer mon propos et montrer à quel point cette région est différente de la notre, à quel point l’expérience de vie ici remet la notre en perspective.

Le frère de Mamadou vit en France. Il a acheté une Renault Laguna dernier modèle et l’a expédiée à Accra, le chargeant de convoyer le véhicule d’Accra à Ouaga. Mamadou descend donc à Accra pour réceptionner l’automobile. Las ! Lors de la remontée du véhicule au Burkina, les choses ne se passent pas comme prévu. C’est la nuit, il pleut, et Mamadou conduit depuis plusieurs heures lorsque, dans un virage, il aperçoit deux camions en train de se doubler. Ecrasant le frein, il tente de s’immobiliser avant la collision. Objectif atteint, mais au pris d’une sortie de route qui lui vaut quelques tonneaux avant de s’arrêter. La voiture est détruite. Il me montre les photos de la voiture pour appuyer ses dires. Le choc a dû être violent : je ne reconnais qu’à peine la forme générale d’une Laguna.

Tout occidental aurait alors prévenu son assurance et déclaré la voiture épave. Mais ici, nous sommes en Afrique, et les assurances ne sont pas celles que l’on croit. Ici, l’assurance contractée par le frère de Mamadou ne joue pas, allez savoir pourquoi. Tout est donc perdu ? Que nenni. La voiture sera reconstruite. Un carrossier du coin déjà travaillé dessus. Les photos défilent devant mes yeux, comme autant de preuves de l’histoire. Effectivement, de détruite, la carrosserie devient détruite artistiquement. Il manque tout : phares, vitres latérales, pare-brise … Les pièces, commandées il y a plusieurs mois, n’arrivent pas. Mais la voiture devra être réparée coûte que coûte. En attendant, Mamadou reste à l’hôtel, pour 40000 Cedis par nuit (4€). Nourri et logé par son frère, qui tient à ce qu’il reste ici le temps des réparations.

L’accident a eu lieu il y a plus de 6 mois. Mamadou est coincé ici depuis tout ce temps. A ne rien faire d’autre qu’attendre. Il a bien un commerce à Bobodioulasso. Mais depuis le temps, la boutique a du être réquisitionnée et confiée à quelqu’un d’autre. C’est comme ça ici. Qui se soucie de la vie de ces gens, si même un frère, depuis la France, ne se rend pas compte de la détresse dans laquelle vit son propre sang ? Il me fait de la peine, Mamadou. Son histoire est à la fois banale dans ses circonstances, et ubuesque dans ses conséquences. Lorsque tout ceci prendra fin (dans combien de temps ? Lui –même n’en a aucune idée), il essaiera de reprendre le cours de sa vie. Mais sans son commerce, que va-t-il faire ? « Bah, on verra bien », répond-il, de cet air fataliste que je commence à bien comprendre.

Je l’ai dit : le temps ici ne s’écoule pas de la même façon que chez nous. Pas de minutes, pas d’heures, juste des journées. Mais plus de 180 de ces journées, ça finit par compter, même ici.

Dimanche. Je décide de partir vers l’est, vers ce qu’il me semble être un havre de paix comparé à ici : le Mole National Parc. Mon premier safari. J’y resterai 2 jours, le temps de bien voir les animaux et de me reposer un peu, avant de descendre à Accra. Et puis ici, les gens bougent ce matin. Les élections présidentielles sont prévues pour dans deux jours. L’enfant de la région, opposant au régime en place, a été assassiné il y a quelques mois. La tension est vive et palpable. Il est vraiment temps que je m’en aille. Adieu donc, Mamadou. J’ai été très heureux de partager ce moment avec toi. Puisse le futur t’être favorable.