D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

11/08/2004

Dioulasso-bas

Il est étonnant de voir à quel point certaines choses ne changent pas. Ainsi, le vieux quartier de Bobo, officiellement nommé Kibidwé, mais que tout le monde ici appelle Dioulasso-bas. Situé juste en face de la grande mosquée vieille de plus de 300 ans, ce quartier vous plonge instantanément quelques siècles en arrière.

Ici, pas d’eau courante, pas de caniveau, pas même de rue : tout juste quelques passages d’un ou deux mètres de large séparent des blocs de maisons accrochées les unes aux autres, assemblées en fonction du relief du terrain à l’aide de briques faites de façon ancestrale : terre ; cailloux, eau et paille. Et lorsque l’une d’elle vient à s’écrouler, il faut alors attendre la saison sèche et l’harmattan pour la reconstruire.

Là vivent, la plupart du temps cachés à mes yeux européens, des familles dont la pauvreté ne peut être mise en doute : il est impossible de vivre ici par goût. Pourtant, au détour d’un chemin entre deux maisons, je découvre une jeune fille portant son petit frère qui me gratifie de son plus beau sourire. Un peu plus loin, ce sont deux adultes qui se montrent spontanément à la porte pour me regarder passer sans prononcer un mot. D’ailleurs, me confie mon guide, ces gens ne parlent que le dioula et il leur faut les services d’un écrivain public pour toute démarche administrative. C‘est pourtant grâce au langage universel des gestes que je pourrai les prendre en photo. Si grande est la différence entre eux et les habitants du reste de la ville que je suis surpris de ne pas les voir me demander de l’argent pour la photo. On est loin de Ouaga où je dois batailler, parfois pendant de longues minutes, pour éviter de laisser toute ma monnaie en deux ou trois clichés. Ici, un simple sourire leur suffit.

La question de faire la charité à ces gens qui réclament s’est longtemps posée, jusqu’à ce que l’on me dise que ce ne serait pas servir le pays que d’encourager la mendicité. Depuis, j’ai pu mesurer à quel point ce conseil est sage. Prêtez l’oreille au premier mendiant, faites ne serait-ce qu’un geste pour lui et c’est aussitôt 5 ou 6 gamins qui bientôt se pressent contre vous. Mais à Dioulasso-bas, il n’est pas question de charité. L’indigence est telle qu’on n’en est même pas là.

Voila maintenant plus d’une heure que nous sillonnons la ville basse et je n’ai rencontré que quelques personnes. En plus d’une population humaine éparse, j’aperçois un âne, un enclos à chèvres et quelques porcs. Nous traversons les quartiers animistes (avec son fétiche souillé de plumes et de sang de poulet), musulmans, griots et forgeron. Je n’ai pas bien compris la fonction des griots et leur différence avec les animistes. Il semblerait qu’un griot soit une sorte de guérisseur ou de devin. Les explications, pourtant habituellement claires de mon guide, sont devenues tout à coup assez confuses. Allez savoir pourquoi.

J’en suis là de mes réflexions lorsque nous débouchons sur le marigot qui sépare Dioulasso-bas en deux parties. Au fond coule un petit ruisseau, le Wé. Et dans le ruisseau, mélangés dans un joyeux chaos de vaisselle et de linge, plus d’une dizaine de femmes disputent aux porcs l’accès à l’eau. Soudain, ce quartier, qui me paraissait en voir de désertification, se trouve être particulièrement animé. Un peu plus haut, ce sont les hommes (ils sont toujours en amont des femmes, m’explique mon guide) qui se lavent. Leur nudité me fait éviter de les prendre en photo. C’est curieux, ce sentiment d’urgence qui vous habite, lorsque vous vous imaginez réalisant quelque chose et votre instinct vous recommandant impérieusement de ne pas le faire. Ainsi donc, pas de photo.

Nous sortons finalement du quartier. Comme à regret, ces maisons, pour la plupart multiséculaires (la plus ancienne date de 1420), me laissent partir. Comment ce fait-il que la modernité, qui jusque là a imposé ses changements au monde, s’efface devant ces murs hors d’âge ? C’est un de ces nombreux mystères dont l’Afrique possède le secret.