D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

11/09/2004

Banfora et Dolo

Aujourd’hui nous partons avec 3 amis vers Bafora. Mme Bado est adorable et me prête sa voiture, aimablement conduite par Emmanuel. Jean nous accompagnera, pour ses connaissances de la ville et de sa région, ainsi qu’une autre personne (dont j’ai malheureusement oublié le nom, qu’il veuille bien me pardonner).

Nous avions prévu de partir à 8 heures, et c’est donc tout naturellement que nous quittons Bobo à 10 heures. Je dois avouer que, sur ce coup, je ne suis pas innocent. Entre le pressing et les soucis de change, nous aurions pu partir à l’heure, soit 9 heures. Nous quittons donc Banfora pour l’extrême sud du pays. Pendant les 85 km du trajet, je peux apprécier encore l’évolution de la nature. Ici, la poussière du Sahel s’efface devant l’humidité et de nouvelles essences d’arbres : palmiers, bananiers, manguiers … Partout on sent la présence de l’eau. Je m’arrête même, complètement surpris, devant un immense champ de canne à sucre. Voila un paysage que j’aurais volontiers imaginé dans nos îles, mais ici ! Même le relief a changé. Si les collines douces sont toujours là, elles doivent désormais partager le paysage avec la falaise de Banfora. Cette falaise commence ici, sur la route entre Bobo et Banfora, et se prolonge ensuite vers le nord jusqu’au pays Dogon, que je projette de visiter la semaine prochaine. Enfin, la température chute de quelques degrés. Il y a plus d’air.

En fait de ville du sud, Banfora est un village un peu étendu. Il n’y a aucun centre, hormis le petit marché chaotique propre à chaque ville du pays. Nous nous arrêtons devant un petit bloc de 3 maisons regroupées autour d’une cour serrée. C’est là que vit la belle-famille de Jean. Je comprends qu’il connaisse la région. Son fils, qu’il ne voit que quelques jours par mois, accourt et se jette dans ses bras. Dans la court, quelques poules se fraient un passage entre les plastiques où s’étale le mil qui deviendra du dolo, la bière traditionnelle. On nous fait asseoir à l’ombre et les femmes viennent, portant des calebasses remplies d’un liquide ambré, comme si elles nous attendaient depuis le matin. Le dolo.

Lorsqu’on arrive dans une maison, au Burkina, les occupants vous accueillent avec un verre d’eau. C’est l’eau de bonne arrivée. Ici, faute d’eau, de la bière de mil. Je goûte successivement le dolo non fermenté et fermenté. Si le second est un peu aigre et piquant des levures ajoutées, le premier s’avère frais et sucré. Très rafraîchissant. Je bois la moitié de ma calebasse d’un trait et la repose à mon côté. On me fait signe qu’il faut la finir si je ne veux pas me montrer impoli. Soit. Je finis donc ma calebasse. Ca doit représenter un demi-litre, mais j’avais soif et c’est sans peine que j’avale le reste du liquide. A peine posée, ma calebasse est récupérée par une jeune fille qui disparaît avec. Quelques secondes plus tard, elle réapparaît, le contenant plein de contenu. Jusqu’où dois-je faire preuve de politesse ? On me rassure, si la première était destinée à laver le gosier de toute trace de poussière, celle-ci est destinée à la dégustation et peut donc être sirotée lentement. Dont acte.

Après avoir rendu visite au vieux de la maison, qui se remet, à l’ombre d’une tonnelle, d’une fracture de la clavicule dont je suppose que, au vu des bandages, elle ne guérira jamais, nous décidons de partir pour la célébrité des alentours : la cascade. Puis, après un repas léger, nous planifions de nous rendre aux pics de Sindhou, à 45 km de là. Enfin, dans la soirée, nous irons regarder les hippopotames sortir au coucher du soleil sur les bords du lac de Tengréla. Mais, que voulez-vous ! Nous sommes en Afrique et, ici, les plans sont fait pour ne pas être défaits, et celui-ci n’échappera pas à la règle.

La cascade de Banfora n’est pas en soi exceptionnelle. C’est le site auquel elle appartient qui la rend unique. Tout d’abord, elle est difficile d’accès, et il faut toute l’adresse de notre chauffeur pour mener la 405 au bout de la piste quasi-impraticable. Nous arrivons à un péage touristique que, après une palabre d’un bon quart d’heure, nous finissons par franchir gratuitement, puis à un parking. Là, une improbable petite ferme isolée de tout sert de repaire au guide touristique et gardien du parking, ainsi qu’à sa famille. Après de nouvelles palabres, nous décidons de nous passer du guide. Il faudra cependant payer les 300 CFA du parking. Soit. Je découvrirai bientôt que ce n’était pas bien cher payé. Nous partons à pieds sur une courte distance, dépassant un petit jardin planté de fruits exotiques. Sûr, il y a de l’eau ici. Au moment où je me fais cette réflexion, j’entends le grondement familier de l’eau qui tombe. Nous arrivons. Le chemin, bordé de manguiers d’un âge incertain, se charge soudain de fraîcheur et d’humidité. Tout à coup, les manguiers s’arrêtent pour faire place à de hautes herbes. Quelques mètres plus loin, j’aperçois une petite plage de sable et un petit étang. Au fond de ce dernier, d’immenses blocs de pierre en tous sens, comme si la main d’un titan avait jeté là des dés gigantesques. Et, au-dessus de tout cela, la cascade.

La vision de cette petite mais ô combien rassurante masse d’eau jaillissant perpétuellement me rassure. Je me rends compte en la regardant que, depuis une dizaine de jours, je vivais dans la crainte du manque d’eau. La chaleur est omniprésente. Jour, nuit, on ne peut y échapper qu’à l’aide de climatiseurs. Mais vivre avec la climatisation, ce n’est pas vivre l’Afrique. Je vis à plus de 35° et dors à plus de 30°. L’eau est vitale. Et elle est là, en abondance, presque gaspillée. Quelque chose en moi se relâche. Une tension volontairement oubliée, étouffée. Je me sens reposé.

Nous grimpons par un petit escalier à moitié sauvage situé à droite de la cascade. La montée est difficile, il fait chaud et notre chauffeur, fumeur et fier de son embonpoint, se met à regretter amèrement d’être là. Suant, soufflant, il nous suit pourtant vaillamment. Lui, comme nous tous, veut lancer son regard sur la vallée que domine ce promontoire. Nous ne sommes pas déçu. C’est un spectacle magnifique. La vallée, commandée par la cascade, s’étale bientôt devant nous. C’est là que je comprends toute l’importance d’une telle source d’eau. Toute la vallée en dépend. Riche, herbeuse et cultivée, elle tranche notablement avec tous les paysages que j’ai vus jusqu’ici. Si la vue de la cascade m’a reposé l’esprit, celle de la vallée me repose l’âme.