D'Afrique en Asie ... Carnet de route

Voici mon carnet de voyage, qui me permettra de laisser mes impressions tout au long de celui-ci. J'éspère ainsi vous faire partager cette expérience, recueillir vos impressions et les nouvelles de la vie que je laisse derrière moi ... pour un temps.

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Le 1er novembre 2004, je commence un voyage de 10 mois qui me conduira vers des régions magiques que j'ai toujours voulu voir. Je veux partager avec vous ce moment de ma vie, à travers les photos et les commentaires vocaux que je posterai ici, tout au long de ce voyage.

11/08/2004

Un dimanche à Bobodioulasso

Dimanche 8 novembre 2004. 7h30. Le réveil sonne, et je le maudis. On est dimanche ! Pourtant, dans mon demi-sommeil, quelque chose me dit que je n'aurais pu dormir plus. Un instant plus tard, de la musique en sourdine me parvient de l'extérieur. J'enlève mes bouchons d'oreilles (je dors toujours avec, ainsi que le masque pour les yeux : un soleil qui se lève à 6 heures, ça réveille bien du monde) et je découvre l'origine du bruit. Je vous avais dit que je dormais dans une pension protestante. Eh bien, juste à côté, se trouve l'église. Laquelle, à 7 heures 30 du matin, est en liesse et le fait savoir à la cantonade par toutes ses ouvertures. Ca chante, ça prie, ça tambourine, le tout accompagné de synthétiseurs et autres cris de femmes. Rien de bien sérieux, apparemment. Mais détrompez-vous : c'est ainsi que l'africain de l'ouest manifeste sa foi, je n'allais pas tarder à m'en rendre compte.

Après une rapide toilette, je sors en direction du marché, derrière lequel se trouve la cathédrale. Je ne peux pas la rater : l'immense clocher se voit de loin. Arrivé au niveau du marché, je décide de ne pas le traverser : ça grouille de monde et, sûrement, ça me prendra plusieurs heures à parcourir. L'indescriptible activité qui y règne paraît cahotique et le nombre de portefaix, de charettes, d'ânes de bât qui y convergent ajoutent à cette joyeuse fébrilité de ce dimanche matin. Rien à voir avec le calme de nos rues. Ici, c'est le jour du marché, et ça se voit. Je fais donc le tour de la grande halle centrale pour me retrouver bientôt dans un quartier plus calme. De la musique me parvient. Cela semble venir de la cathédrale. Au détour d'un bloc, je la vois qui s'étale devant moi. Elle est grande, mais n'est pas vraiment belle. Elle resemble à un hangar de tôle ondulée qu'on aurait recouvert de briques. Il y a des ouvertures partout. Inquiétude : des gens se tiennent debout sur le parvis et aux portes latérales. Il y atant de monde que ça ? Et il est 8h45, c'est déjà commencé ? Réponses : oui et oui. La cathédrale est pleine. Ce n'est pas un dimanche de fête, il n'y a rien de spécifique. Mais les chants et la ferveur avec laquelle l'assemblée participe me donne une bonne explication. Des chants accompagnés de djembé et d'un synthétiseur hors d'âge se répandent au-delà des derniers participants restés debout. J'entre. Nous en sommes à l'évangile, je n'ai donc pas trop de retard. Les gens se lèvent, j'en profite pour me glisser un peu plus à l'intérieur. Mais, au moment où la lecture commence, tout le monde s'assoit, à ma grande surprise, et je me retrouve en plein millieu de la nef (un peu sur le côté, tout de même), point blanc dressé au millieu d'une marée de points noirs. Hum hum. Vite, le premier banc venu, une demie-place partagée (généreusement) avec une paroissienne qui doit peser au moins 200 kg et qui semble s'être douchée au parfum. J'attend la fin de la lecture. S'ils s'assoient pour l'évangile, peut-être se lèveront-ils pour la suite ? Que nenni. Me voilà au suplice, obligé de me retenir au banc pour ne pas sombrer dans l'allée et les regards qu'on ne manquera pas de m'adresser. Et cette femme qui me regarde et me sourit. Que faire ? Je souris aussi. Elle se retourne vers l'autel. Je n'y tiens plus. Je me lève et me jette, mi debout, mi accroupi, vers le bas-côté. Par miracle (dans une cathédrale, quoi de plus normal ?), je trouve un banc libre. Je m'y jette et recommence à respirer. Je comprends alors pourquoi je suis le seul assis ici : on n'y voit rien de ce qui se passe à l'autel. Tant pis. Je verrai au fur et à mesure. Et c'est ainsi que j'assistait à la messe dominicale en la cathédrale de Bobodioulasso, en explorant un nouvel emplacement à chaque mouvement de foule. Exercice qui a eu le mérite de me faire visiter l'édifice et de me laisser un souvenir impérissable.

Dimanche prochain, j'irai à l'église de Dapoya, à Ouaga, juste en face de ma chambre. Ouf.

Sitôt la messe terminée, je rentre à ma chambre. J'ai le choix : traverser le marché ou le contourner à nouveau. Je suis un peu en avance, il est 10 heures et je n'ai rendez-vous avec Georges que dans une demie-heure. J'opte donc pour la traversée, tout en me promettant de ne m'arrêter sous aucun prétexte. Bon. J'aurais du le savoir. J'ai pris du retard. Mais ce marché est tellement dense, les allées qui le composent sont tellement serrées, qu'on voit à peine le ciel au-dessus et la luminosité est vraiment réduite. Penseriez-vous qu'il y fasse frais ? Grave erreur : on étouffe. Presser le pas est donc impossible. A l'aller, j'avais fait le trajet en contournant le marché en 15 minutes. Lorsque j'arrive enfin à ma chambre, il est 15h45 et Georges est là. Je le salue et lui demande sa clémence pour mon retard, en lui en expliquant la raison. "3/4 d'heure ? Tu n'a mis que 3/4 d'heure pour traverser le marché ? Tu as courru ?", et il rit. Soulagement. Ce Georges a décidément le don de mettre à l'aise. "Pas de chichi", continue-t-il sans me laisser le temps de protester, "dès lundi matin tu emménage à la maison !". Tout est dit. Je n'ai plus qu'à me laisser porter. La gentillesse et l'accueil africains font le reste.

"Et maintenant, que dirais-tu d'explorer le marché que tu as si rapidement traversé ?". Oooohhh ...

Nous pénétrons dans l'antre de cet ogre mercantile d'un autre monde. Il est 11 heures.

15 heures. Je n'ai pas vu le temps passer. A mi-chemin entre le bazar organizé et le souk cahotique, ce marché a englouti 4 heures de notre vie. Je ressors avec des tissus, un complet traditionnel burkinabé et des colliers. Je me rappelle ne m'être arrêté qu'à deux boutiques, pourtant. Et je n'ai rien acheté dans la première. La seconde est aussi gigantesque que les autres, soit environ 9 m². Des tissus sur les 3 murs, sur 4 ou 5 étages. Tout est joli, la femme me fait l'article et copmmence à déballer tout son stock. Bientôt, des tissus de toutes couleurs et de tous motifs jonchent le sol. Le couleurs tournet et dansent devant mes yeux. Celui-ci irait bien pour maman, celui-là serait parfait pour Ket et Kratai ... Je négocie le prix avec l'aide de Georges. La négociation va bon train. J'ai suivi le début, en fran,çais. Mais bien vite, la langue change et je ne maitrise vraiment pas le Dioula. Je laisse donc faire. Tout-à-coup, Georges se tourne vers moi, hilare, et s'exclame : "Je te présente ma tante !". Le système de parenté african est décidément bien large. Après explication, il se trouve que la vendeuse devient également ma tante, ou plutôt ma grand-tante, par l'intermédiaire de ma famille africaine, les Bassolé. De fait, le prix ne peut être qu'intéressant, n'est-ce pas ? J'achète donc. Que me faut-il d'autre ? Un vêtement, parce que je n'ai pas emporté grand-chose de France. Je ne dois pas bouger. Ici, c'est un labyrinthe, et le frère du cousin de la vendeuse vend justement ce genre d'articles. Si je ne peux donc aller au magasin, le magasin viendra à moi. Je m'assois, on m'offre à boire, je refuse le plus poliment possible (j'ai pourtant une de ces soifs !) et me jette sur le reste de ma bouteille d'eau chaude. 10 minutes plus tard, le frère du cousin arrive avec un comis, tous deux les bras chargés de vêtements de tout type. Tous traditionnels. Boubous, ponchos en tissus, chemises, complets ... Tout s'empile dans la boutique devenue depuis longtemps trop petite. Mon choix se porte sur un complet traditionnel, fait d'un pantalon ample et d'une chemise s'évasant vers le bas. Mais le motif et la taille ne me conviennent pas. Qu'à cela ne tienne ! Vendeur et comis remballent les articles et s'éclipsent. 5 minutes plus tard, les revoilas, les bras disparaissant à nouveaux sous des complets traditionnels bleus de toutes tailles et de tous motifs. Ces gens sont vraiment commerçants ! Je fais mon choix, après de nombreuses hésitations et l'avis connaisseur d'un Georges hilare. Il faut reprendre la longueur du pantalon, vraiment trop longue. C'est que j'ai de petites jambes. Quand pourrai-je passer le chercher ? Non, non, il me suffit d'attendre ici, ce sera prêt dans un quart d'heure. D'accord. Je commence à comprendre. On ne ma lâchera pas tant que je n'aurai pas été entièrement satisfait. L'amis de la vendeuse, qui assistait depuis le début à toute la scène, choisit ce moment pour me montrer sa collection de colliers de hanche. Sûrement, ça irait à merveille à ma femme (je n'ai pas de femme), à votre mère (ah, là ...), à votre amie (bon, ok, ok). Georges conclut la vente en me disant que c'est sa participation à mes emplettes. Je ne peux accepter. Il insiste. Il est trop gentil, comment refuser ? J'accepte donc. Le temps de cette scène, et le vendeur revient, seul, cette fois. Le pantalon est fait. Comme je suis son parent (éloigné, mais cela a-t-il vraiment de l'importance ?), il me fait une ristourne. Je viens tout de même de laisser 2 jours de dépenses moyennes (25000 CFA). Bah ! J'économiserai ailleurs. On me loge, on me nourrit, à quoi donc servirait cet argent ? A ce propos, il est temps de rentrer, je suis attendu à la maison, Mme Assita Bado, femme de Georges, nous a préparé le repas.

Nous rentrons chez lui. Sur le bord d'une rue en terre, un portail en fert vert. Il s'ouvre sur une cour intérieure. Je suis accueilli par un chien (Rex) très affectueux et qui, après un grognement de pure forme, saute partout et essaie de me déchirer mon pantalon. Derrière le chien, je remarque que la cour est habitée par quelques poules et des chèvres. C'est l'Arche de Noé ! L'entré est sur la droite. Derrière la porte, un salon qui a dû autrefois être la cour d'entrée de la maison. Au fond, la cuisine. A gauche, un deuxième salon, 3 chambres et une salle de bains. Cossu. On m'a donné la chambre de l'aîné, Auguste. Le cadet, Kevin, 6 ans, m'accueille avec un grand sourire rempli d'un pain fourré. Il me fait penser à mon frère à son âge. A près les présentations d'usage, je dépose mes affaires et prend mes aises. Un apéritif de bienvenue m'attend : gin-américano. Corsé. Surtout par ces températures. Je le boirai lentement, voilà tout. Le repars arrive : riz sauce boeuf. excellent. Décidément, cette cuisine burkinabée semble de prime abord uniforme, et se révèle à l'usage très variée.

Cet après-midi, nous partons pour la vallée de Kou, une merveille, d'après Georges. Il avait raison. Après avoir franchi les 4 barages de la ville (douanes, police, taxes commerciales et gendarmerie), nous roulons sur une route en pente douce. Nous descendons. Au détour d'un virage, une immense vallée s'étendant à perte de vue s'offre à mes yeux. Il me tarde de voir ça de plus près. Bientôt, notre voiture traverse de larges étendues très vertes, presque des marécages. Georges m'explique que ces espaces étaient autrefois entretenues par les chinois qui leur ont apporté la connaissance de la plantation du riz. En effet, quelques kilomètres plus loin, ce sont des rizières à perte de vue. Incroyable. Samedi, je quittais Ouaga, ville rouge, étouffante et sèche, au bord du Sahel. Aujourd'hui, je hume l'humidité des rizières parfaitement irriguées et vertes. Quel contraste. Je comprend la fierté de Georges à me montrer cette vallée. Et ce n'est pas tout. Nous arrivons dans un petit village. Comme partout, on y trouve un large marché au bord de la route. C'est ici que ce concentre l'activité. Nous nous garons près d'une vendeuse de pastèques. Nous sommes en pleine saison de ce fruit. Et avec le soleil omniprésent, les pastèques sont juteuses et sucrées à souhait. Il y avait bien longtemps que je n'en avait mangées de si bonnes. Puis nous nous avançons le long du marché, pour arriver devant un chapelier. Justement, il me faut un couvre-chef. Après d'âpres négociations, je trouve un châpeau de saponais (je ne suis pas sûr de l'orthographe, mais j'ai fait répéter le mot plusieurs fois pour être sûr). Il ressemble à un châpeau chinois. Je demande confirmation : « Japonais ? – Non, saponais ! ». Fort bien. Il me va bien, n'est pas lourd malgré les apparences et laisse la tête bien aérée. Sitôt posé sur ma tête, tout le monde me regarde en m'affirmant qu'il me va très bien. J'hésite. Serait-ce hypocrite ? Apparemment pas. La suite me prouvera que c'est sincère. Avec mon ensemble traditionnel, il ne me manque plus que la couleur et l'accent pour être un véritable africain.

La journée tire à sa fin. Assita négocie avec force un litre de lait de vache bru auprès de femmes peules. Elles ne veulent pas être photographiées. Mais Georges insiste pour que je prenne quelques photos à la sauvette. D'accord, j'essaie. Le résultat n'est pas terrible, on dirait des photos de paparazzi. Tant pis, j'aurais essayé. La négociation se termine il est temps de rentrer, le soleil est déjà bas sur l'horizon.

Sur le chemin du retour, Georges s'arrête. Un gamin transporte un iguane mort. Nouvelle négociation. 700 CFA. « En ville, un iguane vaut environ le double. » me confie-t-il. Il a l'air content. Un peu plus loin, nouvel arrêt pour photographier (ou tenter de le faire) un superbe coucher de soleil. Il faut en profiter, les journées rouges de l'harmattan ne sont pas loin.

Il fait nuit. La température n'a pas eu le temps de baisser. Sur la route, on n'y voit rien. Circuler de jour tient déjà de la prouesse. De nuit, cela tient du miracle permanent. Les musulmans qui rentrent chez eux jeûnent depuis le matin et sont fatigués. Leurs réflexes s'en ressentent. Ici, une mobylette surgit de nulle part. Là, un enfant manque se jeter sous nos roues. Georges évite tout cela avec une apparente facilité, issue d'une très longue habitude. Sains et saufs, nous arrivons chez lui. Après le repas du soir, la journée se termine devant la télévision. Je suis comme chez moi.

Non. Je suis chez moi.